Circumpolaire

Une actu décalée de la Suède

La gomme attitude… on efface

| 0 Commentaires

Lagom fait vendre. Lagom, en suédois, c’est un adjectif/adverbe qui s’emploie dans de nombreuses situations pour désigner le caractère modéré, approprié, pondéré, raisonnable voire convenable du substantif qu’il qualifie. Sa traduction pose problème ! Ce lagom fait actuellement les choux gras d’un certain type de littérature (collections : bien-être, culture & loisirs, etc.). Pas moins de quatre ouvrages lui sont consacrés (on est en droit de se demander pourquoi ?!?) : Le livre du Lagom d’Anne Thouvieux ; Lagom, vivre mieux avec moins d’Anna Brones ; Lagom, le nouvel art de la simplicité à la suédoise de Linnea Dunne et Lagom, le secret du bonheur suédois de Lola Akinmade Åkerström. N’en jetez plus !

Au fait, comment peut-on tenter de traduire cet intraduisible lagom ? Pas évident, tant on s’en approche sans véritablement lui trouver un équivalent directement idoine. C’est suivant le contexte… En gros, cela signifie : ni trop, ni pas assez, juste ce qu’il faut, le juste milieu… qu’on déclinera au gré des situations. Et d’où vient ce mot unique ? Etymologiquement, c’est le datif masculin pluriel du mot lag, loi : lagom… et rien d’autre (certaines y ont vu des coutumes d’origines vikings avec de la cervoise à boire à tour de rôle dans des olifants ?!? Que n’inventerait-on pas pour l’exotisme !), donc, en français : légal, conforme.

Bref, la lagom attitude est dans l’air. Ce qui est  surprenant, c’est que toutes les auteures (pas de mecs sur le coup ?) qui ont traité du sujet y ont vu une sorte de consécration d’un mode vie par le biais de l’emploi de ce terme, d’une société du bon sens, bien dans les clous et satisfaite de ne pas faire de vagues ! C’est franchement aller au-delà du concept même de lagom. Les Suédois sont consensuels et conformistes, mais ce n’est pas la lagom attitude qui les y a contraints !

Bref, il y a de tout dans ces livres consacrés au lagom et notamment pas mal de bourdes, pour ne pas dire plus ! Ainsi, dans l’ouvrage d’Anne Thouvieux, ça commence par une ineptie en couverture. On y lit en sous-titre que lagom se prononcerait largom ?!? Où est-ce qu’elle a entendu ça ? Lagom se prononce lagom, comme ça s’écrit. Anne Thouvieux n’est certes pas suédoise et ses connaissances sur le royaume se résument souvent (trop) à des clichés éculés que même les Suédois les plus conformistes réfuteraient au premier chef ! C’est elle aussi qui prétend que lagom proviendrait d’une de ces coutumes nordiques au gothisme sulfureux (nombreux sont les Suédois eux-mêmes qui y croient !). Elle et ses consœurs érigent le concept en différents principes de vie (sic). Tout n’est certes pas faux dans leurs approches et analyses du système suédois, le problème, c’est, qu’est-ce que lagom vient faire dans ce drakkar ? Fascinées sans doute par le fait qu’un mot unique suffit pour exprimer ce que nous avons du mal à rendre via une périphrase ! Même chose pour fika (la pause café, pause gourmande !) ! Gageons que le Suédois est partisan d’un lagom fika !

Être lagom, c’est vrai que ce peut être chiant en fin de compte! Conformiste à s’en rendre neurasthénique, le Suédois lambda fait sans doute rêver les politiques (on dicte, il s’exécute), mais pas le vulgum pecus d’ailleurs.

Et pourquoi, pourrait-on de demander, les Suédois ramènent si souvent lagom dans leurs propos ? Pour conjurer son effet normatif ? Une sorte de mantra salutaire qui permet en réalité de faire ce qu’on ne dit pas et de dire ce qu’on ne fait pas !

Pas suédois pour ce qui est de désaltérer !

Laisser un commentaire

Champs Requis *.