Circumpolaire

Une actu décalée de la Suède

D’humeur secrètement judiciarisée…

| 0 Commentaires

Il y a 34 ans, le 28 février 1986, Olof Palme, alors Premier ministre du royaume, tombait sous les balles d’un tueur que l’on a jusqu’à présent jamais retrouvé. Chaque année à même époque, la presse et les media se chargent de raviver la mémoire de celui qui avait réussi à placer la Suède sur l’échiquier international. Cette année, le procureur du royaume Krister Petersson fait plus fort que d’habitude en annonçant que d’ici 5 mois (pourquoi tant de temps ? C’est vrai qu’au point où on est quelques mois de plus, hein !), soit des poursuites seraient engagées, soit l’enquête sur l’assassinat d’Olof Palme serait close !

Enterré à deux pas de là où il a été assassiné !

Cette surprenante annonce pose, en réalité, plus de questions qu’elle n’en résout. Comme mentionné plus haut, pourquoi ce délai de 5 mois entre l’annonce (pour l’effet ?) et les décisions qui seront prises ? Après plus de trois décennies d’enquête, ou bien les fins limiers de la police suédoise connaissent le commanditaire et l’exécutant du meurtre et il est grand temps de donner des noms en pâture ou alors ils pataugent dans la semoule et ont finalement décidé de jeter l’éponge. Combien aura coûté cette inter(minable) enquête pour le contribuable ? On avance le chiffre faramineux d’un milliard de couronnes suédoises (environ 95 millions d’euros) ! Et gageons que ce n’est pas fini !

Cette annonce survient au moment même où un journaliste suédois, Lars Borgnäs, vient de publier un livre très fouillé sur les derniers instants de feu le Premier ministre : Olof Palme sista steg (Les dernier pas d’Olof Palme). Cet opus n’a pas encore été traduit en français, mais le mérite pleinement !

Lars Borgnäs, journaliste, écrivain

Une étrange coïncidence qui vient à point nommé remettre en question l’enquête feuilleton de la police suédoise. Le brûlot de Lars Borgnäs qui analyse en profondeur les arcanes de l’assassinat d’Olof Palme remet à plat toutes les théories que les enquêteurs ont distillées au cours de leur « recherche » marathon sur le meurtre. Il ressort des réflexions de l’auteur que le meurtrier a d’abord tiré sur Lisbeth Palme, la femme d’Olof  qui l’accompagnait ce soir-là rentrant du cinéma, pour ensuite exécuter à bout portant le Premier ministre (la balle a explosé une vertèbre répandant la moelle épinière. La mort a été immédiate). Une exécution de professionnel. Lars Borgnäs s’est aussi attaché aux témoignages des quelques personnes présentes sur les lieux du crime. Bizarrement, ces dépositions ont disparu des archives de la police tout comme les enregistrements des voitures-pies en maraude ce soir-là ! D’après ces témoins, Olof Palme s’est entretenu avec un homme avant que celui-ci tire sur le couple et s’enfuit en courant.

Plaque commémorative, Sveavägen

Pour Lars Borgnäs, ce sont les services secrets suédois qui sont derrière le meurtre de Palme. Pourquoi ? Parce qu’il était une menace pour le royaume. Il aurait existé une cellule au sein des services secrets qui haïssait Olof Palme pour la politique de rapprochement avec l’URSS qu’il aurait soi-disant menée. Palme en marionnette politique de l’Union soviétique ? Il faut une certaine dose d’imagination tordue ! Pour défendre la patrie et l’honneur de la Suède, il fallait l’éliminer. Cette théorie conspirationniste n’est pas la première du genre. Longtemps, des enquêteurs amateurs ont tenté de faire vivre la piste d’une phalange policière d’extrême droite qui en voulait au Premier ministre pour avoir mis son nez dans leurs agissements et méthodes peu orthodoxes de justiciers véreux.

Un chapitre est aussi consacré à Lisbeth Palme et son attitude pour le moins surprenante dans toute cette affaire. Sans prétendre froidement que la veuve de la nation a menti, l’auteur postule qu’elle n’a pas dit toute la vérité. Et cela commence à l’hôpital où elle est admise en même temps que son mari. Elle refuse de parler aux policiers qui sont venus l’interroger. Elle exige de s’adresser directement à la Säpo (Säkerhetspolisen) (le renseignement suédois) et personne d’autres. Par surcroît, elle n’a jamais voulu que ses dépositions soient enregistrées comme l’exige la loi. Enfin, le fait qu’elle ait soutenu mordicus que Christer Pettersson était l’assassin de son mari (ce coupable, selon Lisbeth Palme, a été condamné en première instance puis acquitté en appel faute de preuves tangibles et d’irrégularités dans la déposition de la veuve) n’ajoute pas à sa crédibilité. Personne n’a jamais osé remettre en question les déclarations de la veuve d’Olof Palme étant devenue elle-même une icône intouchable (Mme Palme est décédée en 2018). Pour l’auteur, elle savait que la Säpo était le commanditaire et l’exécutant du crime, mais elle a voulu protéger sa famille et elle-même et par-delà le royaume de Suède. Les services secrets qui se permettent d’éliminer le chef du gouvernement ?!? Quelle image pour la démocratie en général et la suédoise en particulier ! Impensable. À ce propos, le Premier ministre en poste actuellement, Stefan Löven, n’a-t-il pas récemment réaffirmé qu’il estimait que le seul coupable de la mort d’Olof Palme restait ce marginal alcoolique alors qu’il a été acquitté par la justice (Christer Pettersson est décédé en 2004) ! L’État ne veut décidément pas bouger d’un iota ses lignes !

Un autre livre sorti en novembre 2019, Stieg Larssons arkiv : Nyckeln till Palmemordet, traduit en français sous le titre  (La folle enquête de Stieg Larsson : sur la trace des assassins d’Olof Palme), tire lui aussi des conclusions originales sur le meurtre d’Olof Palme. Jan Stocklassa, l’auteur de l’ouvrage, s’appuie sur une enquête menée il y a une quinzaine d’années par feu Stieg Larsson, journaliste et surtout écrivain de la trilogie Millenium. Pour eux, la piste sud-africaine et l’extrême-droite suédoise sont les seuls et les plus probants à incriminer.

Les derniers pas d’Olof Palme en compagnie de son meurtrier

Pour Lars Borgnäs, le procureur Krister Petersson annoncera donc avant l’été que c’est l’Afrique du Sud et ses services du renseignement (le NIS à l’époque, National Intelligence Service) qui est derrière le meurtre du très controversé Olof Palme. À suivre !

Laisser un commentaire

Champs Requis *.