Pour une fois que j’ai misé juste, il faut que ça se sache ! Maryse Condé a décroché le Nobel (alternatif) de littérature 2018 ! Quelle relation entre ces deux infos ? On rembobine.

Tout commence en novembre 2017, lorsque 18 femmes dénoncent dans le plus grand quotidien suédois Dagens Nyheter avoir été victimes de harcèlement sexuel de la part d’un homme que la presse suédoise dénomme alors « kulturprofilen ». Un coming out permis grâce au mouvement #metoo. Très vite, il s’avère que  le « profil culturel » est en réalité un Français marié à une membre de l’Académie suédoise des belles lettres. À partir de là, tout s’emballe. La noble institution, un tantinet sclérosée, forteresse feutrée de l’entre soi culturel est livrée à la vindicte journalistique et n’arrive plus à vivre en autarcie ni préserver ses secrets. On apprend alors pêle-mêle que le Français avait une conduite très désinvolte et surtout parfaitement libidineuse envers les proches féminins des académiciens, que le cercle culturel qu’il animait (un local en sous-sol qu’il louait en ville, le Forum) était en partie financé par des subsides que lui versait l’académie, que sa femme possédait la moitié des parts de son activité (le favoritisme est banni des principes de l’institution), bref, qu’il était un personnage sulfureux avec lequel il fallait prendre ses distances.

Le comité Nobel fait pression sur l’académie pour que la spirale descendante dans laquelle s’enfonce l’institution retrouve de l’ascendance. En vain. De guerre lasse, l’académie annonce qu’elle ne décernera pas de prix Nobel pour 2018, pour mieux revenir en 2019 et en attribuer deux. Dans l’intervalle, la secrétaire perpétuelle se met en retrait de son poste entraînant dans son sillage quelques académiciens, dont la femme du Français, l’occupante du fauteuil numéro 18.

C’est suite à cette décision précipitée et inattendue qu’une journaliste et écrivaine gréco-suédoise, Alexandra Pascalidou, décide de fonder « la nouvelle académie » qui décernera en lieu et place de l’académie suédoise un prix Nobel alternatif de littérature uniquement pour 2018 (voir d’humeur temporairement renobélisée). La marche à suivre, hautement démocratique et citoyenne pour la nomination a fait intervenir, outre des bibliothécaires, des internautes (dont mon choix qui s’était porté sur Maryse Condé !). 47 écrivains au départ, 4 à l’arrivée après le vote d’environ 30 000 internautes. Ensuite, un jury composé de 4 « sages » (prof de littérature, éditeur, conservatrice de bibliothèque, etc.) a donc finalement sélectionné la Guadeloupéenne.

Une piste de sélection comme une autre pour un comité Nobel qui ne sait plus à quel organisme se vouer pour la remise du prix de littérature !

L’avenir de l’académie suédoise en tant qu’institution dédiée, entre autres, à décerner le prix Nobel de littérature reste intimement lié à son pouvoir de résilience et à son éventuelle propension à pouvoir regagner la confiance du comité Nobel, mais surtout celle des Suédois énormément déçus de l’attitude des académiciens.