Circumpolaire

Une actu décalée de la Suède

Vallastaden, la ville dans la ville de la cité…

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… ou l’intégration de concepts

Le Corbusier en rêvait, des architectes, des promoteurs, des entreprises de construction, l’université et la commune de Linköping l’ont fait ! En moins de six ans toutes ces instances suédoises ont réussi à se mettre d’accord pour lancer et viabiliser Vallastaden, cet espace citadin durable où intégration pour un meilleur vivre ensemble est le maître d’œuvre du projet. Pragmatisme, consensus et volonté d’aboutir sont, là encore, des vecteurs bien suédois qui ont eu raison des arcanes administratives. Plutôt que de suivre le cursus « normal » contraignant dédié généralement à la construction d’un quartier, les acteurs de ce projet l’ont shunté, légalement, pour le mettre sur rails et le faire résolument avancer. Pour ce faire, la commune a d’abord réalisé un plan d’urbanisation global de la zone et vendu les parcelles constructibles ensuite.

Cette façon de procéder a permis de pérenniser les valeurs, idées et desiderata qui sous-tendaient le projet Vallastaden. Cela a aussi favorisé une grande variation dans le choix des bâtiments et ouvrages (résidences individuelles, maisons en lotissement, immeubles locatifs, parkings intelligents, infrastructures, installations de recyclage [eaux usées, déchets, etc.]), les entrepreneurs ne pouvant en construire plus de trois, laissant ainsi la possibilité aux petites entreprises du bâtiment, habituellement écartées par les majors du secteur, de s’exprimer. Une première tranche de 1 000 logements fournis par une quarantaine d’acteurs est désormais prête (juste à temps pour l’ouverture de l’exposition bo- och samhällexpo! Linköping [habitat et politique sociale Linköping] du 2 au 24 septembre 2017).

C’est en réalité un projet réalisé par la ville de Tübingen, au sud de Stuttgart, en Allemagne, qui a servi de modèle à celui de Vallastaden et c’est un cabinet d’architectes suédois de Göteborg, OkiDoki, avec son projet Tegar (les lopins de terre) qui a remporté le concours initié par le maître d’ouvrage, la commune de Linköping. Leur concept : remettre au goût du jour la propriété indivise, la parcellisation des terres comme cela existait en Suède avant les grandes réformes agraires, le tout en respectant une proximité sociale durable, un habitat diversifié et un équilibre écologique. Chaque îlot de « lopins de terre » pouvant théoriquement vivre en autarcie sociale en ayant accès à une serre, des ateliers, un sauna, des appartements communaux, etc., tout en étant en ville. Recréer une intimité sociale et une ville à la campagne et inversement comme aurait dit Alphonse Allais.

Vallastaden, c’était une zone plus ou moins en friche à l’ouest de Linköping, isolée, coincée entre l’université (des années 1970), un stade, l’hôpital universitaire et un parc technologique le Science Park Mjärdevi. La nouvelle cité est à une dizaine de minutes en vélo du centre historique de Linköping. Linköping, la plus grande des petites villes de Suède, comme la commune aime à se définir, est en pleine expansion. Elle abrite une université (filières technologiques, médecine, sciences sociales… 27 000 étudiants), des entreprises internationales (Saab, Ericsson, Sectra, Autoliv, etc.), et quelque 150 000 habitants.

Pour être en Suède, l’architectonie du quartier de Vallastaden surprend agréablement par sa diversité et son élégance. Pas un immeuble ou une maison ne se ressemble. Façades à bardage en bois (clins de sapin ou cèdre, lamellé-collé massif), en métal (panneaux acier, zinc-titane, inox, cuivre, ajouré-perforé, nervuré-ondulé, etc.), en mortier de rénovation, à panneaux solaires colorés… un maelström de matériaux, formes et coloris pour un habitat en totale en harmonie avec l’environnement. Où est passé le conformisme des Suédois ? Allez, une uniformité dans la diversité !

Les immeubles, disséminés entre les maisons individuelles ou en lotissement, n’excèdent pas cinq étages. La notion lopin de terre a été respectée, d’où l’impression d’une proximité inhabituelle dans un environnement entièrement neuf. Toutes les catégories sociales sont prévues et pressenties (retraités, étudiants, collectifs, familles nombreuses, célibataires, etc.).

Pour les étudiants, fini les chambres en enfilade dans des couloirs impersonnels avec une cuisine comme seul lieu de rencontre. À Vallastaden, c’est le grand luxe ! Convivialité, proximité et confort sont le leitmotiv. 15 étudiants sur 400 m2 ! À chaque étage, une quinzaine de chambres (14 m2, lit en mezzanine, entièrement équipée, internet, TV) autour d’un espace commun très accueillant (canapés, fauteuils, tables basses… IKEA !), et une immense cuisine où l’on peut manger ensemble (pas nécessaire, mais visiblement souhaitable)… Location 5 ans maximum au prix (fort ?) de 497 euros par mois (à l’exception de deux mois l’été).

luxueuses études !

Pour compléter ce descriptif qui fleure un tantinet l’Orwell, on y trouve évidemment, une garderie d’enfants, des parcs, une caserne de pompiers, un dispensaire, un parking dont la façade est équipée de panneaux solaires photovoltaïques qui fournissent l’électricité aux véhicules électriques des riverains qui s’y garent (le vélo reste cependant roi),

Parking cellulaire

des déchetteries, des stations de recyclages et ces fameuses felleshus qu’on osera traduire par « maisons communes » qui peuvent accueillir différentes activités au gré des propriétaires et locataires de l’îlot auquel elles sont rattachées. Par surcroît, elle jouxte une serre, chauffée l’hiver ! La main verte n’est pas oubliée.

À noter également un appartement témoin de 55 m2 qui peut se transformer en un cinq pièces (parfait pour les adeptes de airbnb !) ! Cloisons amovibles, lit escamotable dans le plafond, placards et rangements dans les planchers, etc., une perle d’ingéniosité !

Pour l’aménagement des infrastructures en souterrain la pose d’un tube (tube-égout !) en polyéthylène haute densité d’un diamètre intérieur de 2,2 m sur 1 800 mètres équipé de nombreux regards techniques, a été retenue.

Tube-égout

Réalisation désormais brevetée (livraison du tube en sections équipé [canalisations d’évacuation des eaux usées et potable, câbles électriques, télé, fibre optique, conduites pour aspiration pneumatique des ordures, chauffage urbain, etc.] que l’on raccorde les unes aux autres). Solution adoptée du fait de la faible profondeur de la nappe phréatique. Plusieurs avantages : durée de service accrue pour toutes les tuyauteries et câblages, ceux-ci étant à l’abri et bonne accessibilité. Plus nécessaire donc de défoncer chaussées et trottoirs pour réparations et entretien. Possibilité de planter de la végétation sans encombre (plus de racines enserrant ou pénétrant les canalisations). Une solution onéreuse à l’investissement qui devrait être génératrice d’économies sur le long terme.

Le « village » est traversé par un bief avec de nombreux ponts l’enjambant (suffisant pour recréer l’appartenance à une rive droite et une rive gauche !). La commune y a même réintroduit la salamandre ! Symbole d’indestructibilité et de pureté. Après le quartier d’Hammarby Sjöstad à Stockholm (qui devait être le village olympique) construit au début des années 2000, celui de Vallastaden en 2017 a largement pris le relais.

 

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