C’était un secret de polichinelle, certes bien gardé et savamment entretenu, mais, comme tous les secrets, amenés à être éventés.
Les köttbullar, les boulettes de viande, en français, fierté culinaire suédoise, ne sont pas plus d’origine scandinave que le café ou les choux farcis. Elles proviennent de Turquie. L’Histoire est là pour le rappeler, rendons-donc à César…
Appétissantes, non ?
Charles XII (1682-1718), le belliqueux roi de la dynastie palatine couronné en 1697 avait dû fuir après la bataille de Poltava en juin 1709 vers la Turquie. Il y resta quelque cinq ans coincé à Bender en Moldavie près de la frontière russo-turque. Largement donc le temps d’apprendre à cuisiner (ses gâte-sauces, pas lui !) et de se mettre aux us turcs. Il aime les kofte turques, ces boulettes de viande hachée de bœuf et d’agneau. Il apprécie aussi les dolma, ces feuilles de vignes farcies. Ses cuisiniers les ramènent en Suède dans leurs cantines.
Deux problèmes se posent alors.
- Un sémantique. Il faut impérativement renommer les kofte. En effet, il existe un mot suédois qui désigne la veste en laine, kofta. La Suède d’alors ne mange pas d’agneau. Facile d’associer les kofte à la kofta… Ça sent la laine pas fraîche ! Exit des kofte, les boulettes s’appelleront : köttbullar, boulettes de viande. Elles seront un mélange de deux viandes : bœuf et porc (tant qu’à faire…).
- L’autre d’approvisionnement. La Suède n’a pas de vignes sous ses latitudes, mais du chou. Feuille de vigne, feuille de chou… il faut faire pragmatique. Les dolma deviendront les koldolmar (kol, chou et dolmar, une réminiscence du plat turc), le chou farci.
C’est l’Institut suédois qui, las de vivre dans le « mensonge », vient de faire son mea culpa et d’annoncer officiellement que la spécialité suédoise des boulettes de viande, les köttbullar sont donc originaires de Turquie. Dont acte ! Quelle humilité !
Pour être fort comme un Turc !
Sans vouloir faire de boulettes, on se demande comment IKEA va devoir désormais se profiler avec ses appréciées köttbullar ? Il y a quelque temps, on avait découvert qu’elles étaient à base de minerai de cheval. Il leur avait fallu ramer à contre-courant pour réimposer le mélange bœuf-porc (faut-il les croire sur parole ?). On a aussi récemment entendu que le géant du meuble voulait en faire déguster à base d’insectes (turcs ?) !
Une révélation qui ne fera certes pas avancer le schmilblick, mais qui remet au goût du jour un plat qui risque de faire recette !